La voix, mode d'ampli
Nous sommes l'été 2000. Je suis sur une île. Quelqu'un (avec des milliers de disques vinyles) que je ne connais pas et avec qui je m'entretiens, me coupe, et reprends la conversation à son compte pour me parler de ma voix. Dix ans ont passé et cette dernière ne tient plus la distance. Je la perds souvent. Il faut m'économiser, alors que mon quotidien ne me le permet pas. Les voix des autres m'intéressent et balisent mes jours. Plusieurs projets de mises en voix ont abouti depuis, un prochain me tient à cœur. Nous verrons bien.
En attendant, je souhaite partager ici avec ceux qui le souhaitent l'approche qu'ils ont de leur propre voix celle qui nous fait unique et qui, à son écoute, nous rend souvent étranger à nous-mêmes. Il est fort probable que nous parlerons de celles des autres, des proches et des lointains. (D.J.)
En attendant, je souhaite partager ici avec ceux qui le souhaitent l'approche qu'ils ont de leur propre voix celle qui nous fait unique et qui, à son écoute, nous rend souvent étranger à nous-mêmes. Il est fort probable que nous parlerons de celles des autres, des proches et des lointains. (D.J.)
Des mondes pour la voix - Saison 3
Ce n'est pas de la petite limonade et encore moins un chapelet de mises en bière, juste des écrins de cendres incendiaires lâchées du haut d'un pont, le plus haut possible et dans le sens du vent : des voix exigeantes qui tiennent bon et que l'on se doit de faire entendre.
Pour son deuxième passage dans le bureau (allez (re)découvrir son indispensable confession sans concession en première saison), Luc Spencer qui s'était déjà exposé revient avec une bien belle production, l'impeccable "Church on the hill" (sortie digitale accomplie le 18 mai 2013). Entre Saint-Sauveur où il a officié comme programmateur et une île-colline, le pianiste et chanteur indie offre à bien y regarder une topographie mentale bien à lui, une invitation au voyage avec une particularité troublante : on prend le train en marche ; nous étions là sur son chemin et nous l'ignorions. Ses chansons s'étoffent d'année en année, agissent comme un révélateur, s'inspire, inspire et pas que sous la douche. Petite vérification avec cet interview déployé plage après plage de son bel ouvrage.
Pour son deuxième passage dans le bureau (allez (re)découvrir son indispensable confession sans concession en première saison), Luc Spencer qui s'était déjà exposé revient avec une bien belle production, l'impeccable "Church on the hill" (sortie digitale accomplie le 18 mai 2013). Entre Saint-Sauveur où il a officié comme programmateur et une île-colline, le pianiste et chanteur indie offre à bien y regarder une topographie mentale bien à lui, une invitation au voyage avec une particularité troublante : on prend le train en marche ; nous étions là sur son chemin et nous l'ignorions. Ses chansons s'étoffent d'année en année, agissent comme un révélateur, s'inspire, inspire et pas que sous la douche. Petite vérification avec cet interview déployé plage après plage de son bel ouvrage.
Épisode 1
Le Monocle : Peux-tu nous parler de l'ouverture de cet album avec "Dogs in the airport" ?
Luc Spencer : L'embarquement.
Par ce premier titre, l'auditeur embarque pour l'inconnu, propulsé dans cet album construit comme un voyage, avec ses treize pistes de décollage et ses treize pistes d' atterrissage.
J'ai toujours été sensible à l'ambiance particulière qui se dégage des aéroports.
J'aime ce lieu, je le trouve beau, parce qu'il m'intrigue. C'est un entre-deux … froid et chaud, humain et inhumain, rassurant et angoissant, beau et laid, grand et petit … J'aime son esthétique assez universelle. Les aéroports se ressemblent, tout en ayant chacun leur propre personnalité. C'est aussi un lieu universel, de croisement des cultures (en ce sens intrinsèquement moderne).
Et puis il y a toujours et partout ces gros chiens/loups tenus fermement en laisse par des robocops, prêts à dévorer les petits chihuahuas perdus que nous sommes devenus.
Chaque fois que je prend l'avion, Il y a cette jubilation angoissée qui me rappelle l'instant avant de monter sur scène. Que l'on embarque ou que l'on débarque, que l'on s'élève ou que l'on se pose, on jubile dans l'aéroport qui, tel le carrosse se transformant en citrouille, perd toute sa magie lors du retour.
L'aéroport c'est aussi un peu une répétition générale dans l'antichambre de la mort … On va monter au ciel, jouer à Dieu, flotter au dessus de ces nuages crémeux où aucun drapeau ne se plante … dans cet espace neutre, universel, magique, spirituel, onirique (la tête dans les nuages) ...
Et puis ces tonnes de métal et de chair humaine qui flottent à grande vitesse au dessus des nuages, c'est à la fois cartésien, technique, surréaliste et effrayant … ça dépasse l'entendement … et parfois ça se
crash, c'est rare mais comme on dit "même les paranos ont de vrais ennemis !".
Musicalement, j'ai souhaité évoquer cette dualité de l'aéroport, tantôt mécanique (le rythme), tantôt chaleureux (l'orgue). Le titre est aussi un hommage à Brian Eno, les lecteurs les plus érudits reconnaîtront certains "clin-d’œil" sonores …
Le Monocle : Peux-tu nous parler de l'ouverture de cet album avec "Dogs in the airport" ?
Luc Spencer : L'embarquement.
Par ce premier titre, l'auditeur embarque pour l'inconnu, propulsé dans cet album construit comme un voyage, avec ses treize pistes de décollage et ses treize pistes d' atterrissage.
J'ai toujours été sensible à l'ambiance particulière qui se dégage des aéroports.
J'aime ce lieu, je le trouve beau, parce qu'il m'intrigue. C'est un entre-deux … froid et chaud, humain et inhumain, rassurant et angoissant, beau et laid, grand et petit … J'aime son esthétique assez universelle. Les aéroports se ressemblent, tout en ayant chacun leur propre personnalité. C'est aussi un lieu universel, de croisement des cultures (en ce sens intrinsèquement moderne).
Et puis il y a toujours et partout ces gros chiens/loups tenus fermement en laisse par des robocops, prêts à dévorer les petits chihuahuas perdus que nous sommes devenus.
Chaque fois que je prend l'avion, Il y a cette jubilation angoissée qui me rappelle l'instant avant de monter sur scène. Que l'on embarque ou que l'on débarque, que l'on s'élève ou que l'on se pose, on jubile dans l'aéroport qui, tel le carrosse se transformant en citrouille, perd toute sa magie lors du retour.
L'aéroport c'est aussi un peu une répétition générale dans l'antichambre de la mort … On va monter au ciel, jouer à Dieu, flotter au dessus de ces nuages crémeux où aucun drapeau ne se plante … dans cet espace neutre, universel, magique, spirituel, onirique (la tête dans les nuages) ...
Et puis ces tonnes de métal et de chair humaine qui flottent à grande vitesse au dessus des nuages, c'est à la fois cartésien, technique, surréaliste et effrayant … ça dépasse l'entendement … et parfois ça se
crash, c'est rare mais comme on dit "même les paranos ont de vrais ennemis !".
Musicalement, j'ai souhaité évoquer cette dualité de l'aéroport, tantôt mécanique (le rythme), tantôt chaleureux (l'orgue). Le titre est aussi un hommage à Brian Eno, les lecteurs les plus érudits reconnaîtront certains "clin-d’œil" sonores …
Épisode 2
Le Monocle : Les claviers sont-ils pour toi essentiels dans ton travail de composition ?
Luc Spencer : Il y a d'abord le piano qui fait parti de mon environnement depuis toujours. Du plus loin dont je me souvienne, avant même d'avoir appris à en jouer, j'ai toujours tapé dessus. C'est d'ailleurs assez logique vu que c'est un instrument à percussion.
J'ai eu la chance d'étudier le piano classique de 7 ans à 15 ans, avec un professeur (très) particulier.
Après avoir "exécuté" Liszt et Schumann avec grâce et virtuosité, j'ai commis ma première faute de goût à l'âge ingrat en découvrant Jean-Michel Jarre et le synthétiseur DX7.
Par bonheur, cette période "rayon laser" n'a pas trop duré, et creepers aux pieds je me suis mis à arpenter le Rock et à composer des "couplet/refrain" à trois pattes sur mon vieux "Gaveau". A cette époque, Je reprenais "Jimi Hendrix" , My bloody Valentine, Thélonious Monk, Bowie … et sur un 4 pistes, j'enregistrais ma première démo intitulée : "tentative de musique sans rythme". Je m'efforçais de jouer du piano à la manière d'un guitariste, pour oublier ce meuble qui évoquait l'école des fans, Patrick Bruel ou Elton John ...
Avec du recul, je pense que j'avais développé un jeu vraiment original et totalement inaudible. Et puis il y avait les concerts ; trimbaler son piano droit sur scène exigeait une bonne condition physique et je constatais qu'il était plus facile de se la péter avec une guitare incandescente reliée à 12 pédales flamboyantes qu'avec un clavinova statique où généralement il était inscrit "Roland". Je n'aime pas l'injustice, donc sur scène avec mes groupes de l'époque, je tapais le plus fortement possible sur les touches et m'efforçais de jouer le maximum de note pour concurrencer le guitariste.
Puis, vers 17 ans, initiant un processus d'affinage de culture musicale, j'ai découvert des perles pop composées au piano par Peter Hammill, Brian Wilson, Elvis Costello, Robert Wyatt … et toute la richesse et la noblesse de cet instrument s'est révélée à moi.
Je ne fais aucun jugement de valeur et je regrette souvent de ne pas savoir jouer de la guitare, mais il est évident qu'on ne compose pas les mêmes chansons au piano qu'à la guitare. Life on mars, God only knows par exemple n'auraient pu être composées sur une six cordes ... Space Oddity, Cities (Talking Heads) ou Karma Police n'auraient pu l'être sur un piano.
Et puis, en marge du songwriting, il y a eu d'autres rencontres comme celle (explosive) avec Eno, un de mes maîtres (un de mes "claviers-maître" devrais-je dire …). Avec Brian, soudain il y avait une vie après Jean-Michel. Je redécouvrais le synthétiseur et me lançais, comme bon nombre de musiciens, dans l'aventure de la composition assistée par ordinateur. Dans mes productions et particulièrement dans cet album j'aime lier la chaleur et la percussion d'un vrai piano avec des sons plus synthétiques, plus virtuels.
Un de mes modèles reste : "Low" chef-d'œuvre co-réalisé par Bowie et Eno en 1977. Dans cet album ambigu, la frontière entre synthétiseur et guitare, analogique et électronique est totalement brouillée, les
cartes sont redistribuées, ce qui en fait un album très avant-gardiste préfigurant la musique electro/pop/Rock des années 2000/2010.
Et puis, la prégnance des claviers vient aussi, par la force des choses, d'un certain isolement qui me caractérise. Si d'excellents guitaristes ont contribué à cet album (Martin Angor, Christophe Blanchet , Hervé Le Dorlot …), j'ai tendance à travailler seul, pour le meilleur comme pour le pire …. Isolé dans mon studio, je suis heureux comme un chat, entouré de mes claviers un peu comme dans une soucoupe volante, une tour de contrôle ou dans la cabine de l'orgue de l'église sur la colline …
Le Monocle : Les claviers sont-ils pour toi essentiels dans ton travail de composition ?
Luc Spencer : Il y a d'abord le piano qui fait parti de mon environnement depuis toujours. Du plus loin dont je me souvienne, avant même d'avoir appris à en jouer, j'ai toujours tapé dessus. C'est d'ailleurs assez logique vu que c'est un instrument à percussion.
J'ai eu la chance d'étudier le piano classique de 7 ans à 15 ans, avec un professeur (très) particulier.
Après avoir "exécuté" Liszt et Schumann avec grâce et virtuosité, j'ai commis ma première faute de goût à l'âge ingrat en découvrant Jean-Michel Jarre et le synthétiseur DX7.
Par bonheur, cette période "rayon laser" n'a pas trop duré, et creepers aux pieds je me suis mis à arpenter le Rock et à composer des "couplet/refrain" à trois pattes sur mon vieux "Gaveau". A cette époque, Je reprenais "Jimi Hendrix" , My bloody Valentine, Thélonious Monk, Bowie … et sur un 4 pistes, j'enregistrais ma première démo intitulée : "tentative de musique sans rythme". Je m'efforçais de jouer du piano à la manière d'un guitariste, pour oublier ce meuble qui évoquait l'école des fans, Patrick Bruel ou Elton John ...
Avec du recul, je pense que j'avais développé un jeu vraiment original et totalement inaudible. Et puis il y avait les concerts ; trimbaler son piano droit sur scène exigeait une bonne condition physique et je constatais qu'il était plus facile de se la péter avec une guitare incandescente reliée à 12 pédales flamboyantes qu'avec un clavinova statique où généralement il était inscrit "Roland". Je n'aime pas l'injustice, donc sur scène avec mes groupes de l'époque, je tapais le plus fortement possible sur les touches et m'efforçais de jouer le maximum de note pour concurrencer le guitariste.
Puis, vers 17 ans, initiant un processus d'affinage de culture musicale, j'ai découvert des perles pop composées au piano par Peter Hammill, Brian Wilson, Elvis Costello, Robert Wyatt … et toute la richesse et la noblesse de cet instrument s'est révélée à moi.
Je ne fais aucun jugement de valeur et je regrette souvent de ne pas savoir jouer de la guitare, mais il est évident qu'on ne compose pas les mêmes chansons au piano qu'à la guitare. Life on mars, God only knows par exemple n'auraient pu être composées sur une six cordes ... Space Oddity, Cities (Talking Heads) ou Karma Police n'auraient pu l'être sur un piano.
Et puis, en marge du songwriting, il y a eu d'autres rencontres comme celle (explosive) avec Eno, un de mes maîtres (un de mes "claviers-maître" devrais-je dire …). Avec Brian, soudain il y avait une vie après Jean-Michel. Je redécouvrais le synthétiseur et me lançais, comme bon nombre de musiciens, dans l'aventure de la composition assistée par ordinateur. Dans mes productions et particulièrement dans cet album j'aime lier la chaleur et la percussion d'un vrai piano avec des sons plus synthétiques, plus virtuels.
Un de mes modèles reste : "Low" chef-d'œuvre co-réalisé par Bowie et Eno en 1977. Dans cet album ambigu, la frontière entre synthétiseur et guitare, analogique et électronique est totalement brouillée, les
cartes sont redistribuées, ce qui en fait un album très avant-gardiste préfigurant la musique electro/pop/Rock des années 2000/2010.
Et puis, la prégnance des claviers vient aussi, par la force des choses, d'un certain isolement qui me caractérise. Si d'excellents guitaristes ont contribué à cet album (Martin Angor, Christophe Blanchet , Hervé Le Dorlot …), j'ai tendance à travailler seul, pour le meilleur comme pour le pire …. Isolé dans mon studio, je suis heureux comme un chat, entouré de mes claviers un peu comme dans une soucoupe volante, une tour de contrôle ou dans la cabine de l'orgue de l'église sur la colline …
Luc Spencer dans son premier studio à 5 ans
Le monOcle : Avec Hello, I'm gone (Hell Ô I'm gone) tu sembles brouiller les pistes : alors que l'auditeur part mentalement pour autre chose (et la première partie de ce morceau nous laisse le croire), l'électronique vient nous
botter les oreilles... Tu as cité Eno tout à l'heure. Quel est ton rapport à la musique électronique, à ces expérimentation autant dans la composition que dans l'histoire de cette musique ?
Hello i'm gone : point de rupture
Luc Spencer : Si je ne prétends évidemment pas révolutionner la musique pop, il m'a toujours semblé important de me démarquer.
Pour créer une œuvre "personnelle", il ne suffit pas de le vouloir très fort, en relâchant ses tripes sur son instrument et en faisant confiance en son génie créateur. (ça c'est la "légende" qui s'occupe de le faire croire).
Le processus de création dans les musiques populaires est certainement spontané dans une large proportion, pourtant une auto-analyse, une réflexion est , pour moi, indispensable à différents niveaux et à
différent stades.
Bien sûr, au final, chaque auditeur percevra ma musique à sa manière avec ses oreilles (certaines sont en bois), ses références, son affect, sa nostalgie … mais cela ne m'empêche pas de me poser régulièrement des questions simples en réécoutant mes compositions :
- Quelles sont mes préoccupations ?
- Quelles sont les réminiscences qui se dégagent de mes chansons ?
- Quelles influences reviennent régulièrement ? etc ...
... et surtout, le plus important pour moi est de partir à la recherche du "Graal", de la "pierre philosophale", du "germe" en d'autres mots :
- Qu'est-ce qui est là depuis le début, depuis l'enfance …
Peut-être vais-je ennuyer le lecteur en exhibant cet aspect de la création, mais je tiens à basculer hors des poncifs habituels du musicien interviewé pour qui tout n'a été que chance, rencontres et émotions …
Revenons à ta question : Qu'est cet ion ?
Dans "Hello I'm gone" s'illustre parfaitement une de mes obsessions à l'état de quintessence : appelons-la "fissure".
Cette dernière se manifeste dans cette chanson par l'impact entre deux tensions électriques : la basse tension du couplet et la haute tension du refrain .
Pour être plus clair je dirais que cette chanson est une chanson d'Amour : l'histoire du coup de foudre entre des "Cations" (Ions chargés positivement) et les "Anions" (Ions chargés négativement) … Mon rapport à la musique électronique est donc avant tout électrique, et il est bien possible que ce soit aussi le cas pour Brian Eno ... Cette chanson met en scène une électrocution, peut-être dans l'avenir serais-je capable d'électrocuter physiquement l'auditeur au refrain … mais tout vient à point à qui sait attendre …
Le mOnocle : Pour Honey Moon, une petite intro saxo (un petite pensée pour Bowie) pour un thème au
piano et un double mot "Honey-moon" (qui se suffit presque à lui tout seul pour les paroles), tout fonctionne.
Le jazz fait-il partie de ta culture musicale et de tes inspirations ?
Luc Spencer : L'intro est un sample d'Ornette Coleman, un des inventeurs du free Jazz.
Je ne dirai pas que je suis un aficionados de Jazz.
J'en écoute, mais moins que de la musique classique, contemporaine ou pop. J'aime le jazz noir, et si possible joué par des noirs un peu timbrés (Monk, Coleman, Art Ensemble …)
Le jazz "blanc" m'ennuie car trop clean, trop chic, trop démonstratif pour moi (à de nombreuses exceptions près bien sur …). Je suis toujours frappé de constater à quel point cette musique de
ghettos crades, de drogués, de mauvais garçons est devenu une musique d'ambiance pour cocktails et films érotiques. Cela dit c'est pareil pour le rock avec Taratata …
Pour "Honey Moon" l'idée était de déstructurer le déstructuré. Pour ce faire j'ai pécho des samples d'Ornette Coleman au hasard sur Google , je les ai haché en fermant les yeux et j'ai saupoudré lemorceau avec les miettes. Tu vois c'est simple de faire du Luc Spencer ...
Le MonOcle : Des voix m'ont appelé à tue-tête pendant que j'écoutais Sanct'Elisabeth... Ce sont des cris qui m'ont ramené à la surface.
Des mots pour la voix - Saison 2
Il nous faut revenir pour une deuxième saison de propos couchés sur la toile. Il sera question de Dominique A et de son petit opus "Un bon chanteur mort", de dessins, d'encre, de cou(p) de gueule, de gorgée donc, de guitare, de polyphonies, de jazz et de disquaires.
Pas d'abonné
Sans voix.
C'est une messe en ut de Mozart, à Saint Eustache, quartier des Halles, Paris 1er. Un petit tour chez Parallèles en attendant de prendre la file d'attente, puis de toucher du bois après avoir fait le siège. Puis vient l'instant I, celui de s'asseoir, au fond comme à la grande époque (très bon test pour dépister la myopie, soit dit en passant).
Toutes ces voix bien rangées et d'autres hommes et femmes qui écoutent et/ou se lèvent , caressent les colonnes de pierre, partent pour revenir, mais pas tous, où vont-ils ? Le métro-serpent passe en dessous et donne de son corps sourd et caverneux.
Une voix dans une église ou même deux, c'est comme une ou deux vies froides et oubliées.
Un choeur s'organise et on croit savoir du coup qu'on existe ; cherchez cette preuve et quand vous l'avez trouver, vous êtes bien seul pour pouvoir l'expliquer. L'intérêt se perd quand la communauté vient à lâcher prise. Et alors vous criez, à défaut de chanter.
C'est une messe en ut de Mozart, à Saint Eustache, quartier des Halles, Paris 1er. Un petit tour chez Parallèles en attendant de prendre la file d'attente, puis de toucher du bois après avoir fait le siège. Puis vient l'instant I, celui de s'asseoir, au fond comme à la grande époque (très bon test pour dépister la myopie, soit dit en passant).
Toutes ces voix bien rangées et d'autres hommes et femmes qui écoutent et/ou se lèvent , caressent les colonnes de pierre, partent pour revenir, mais pas tous, où vont-ils ? Le métro-serpent passe en dessous et donne de son corps sourd et caverneux.
Une voix dans une église ou même deux, c'est comme une ou deux vies froides et oubliées.
Un choeur s'organise et on croit savoir du coup qu'on existe ; cherchez cette preuve et quand vous l'avez trouver, vous êtes bien seul pour pouvoir l'expliquer. L'intérêt se perd quand la communauté vient à lâcher prise. Et alors vous criez, à défaut de chanter.
Lorsque Joe Chicago parle de sa voix, il ne la pose pas tout de suite, loin s'en faut. Il se raidit comme une furie, règle son compte à la place entière : ceux qui l'écoutent et le regardent, appelle les absents de l'endroit pour n'oublier personne, puis finit par se surprendre lui-même et tout suspendre. Voici sa voix (et le reste).
C’étaient les voix des imposteurs merveilleux, des voleurs d’âmes d’enfants et de chaînes qui s’élevaient, libres et fiers de leurs méfaits, mâles nécessaires, bandits bandants des très grands chemins, saints des cathédrales de larmes, d’illusions, de poèmes et de crachats. Orphées drapés de velours rouge vous maudissiez déjà les souffles faibles contemporains sans timbre, à destination imprécise, sans doute du purgatoire puis d’un tiède enfer bourgeois. Tu t’es retourné. Tu t’en souviens ?
Syphilitique, épileptique, l’homme blanc ne chante plus, il geint, une radio fixée dans la tête, les oreilles bouchées double. Salopés de cynisme, prétendus romantiques et tout souffreteux, tellement mal en point. Ah, les petits princes fantoches des royaumes annexés de mes deux… Leurs femelles, mini chiennes jappant de la folk errante nous chient de mignons étrons tous semblables et sans but. Leurs bouts de chansons scandent : Le Pouvoir au Chat ! Le nez pincé et ukulélé, mélopées castrées à coup de Glokenspiele et tambourins. On se le pince aussi le nez, leur filet de voix troué pue comme un pet de fouf.
C’étaient les voix des imposteurs merveilleux bien avant que le fils de l’autre ne se noie. Cohorte de suiveurs,
petite flottille insubmersible tant leur coquille voix, est à la noix. Ames pédales et serviles… Alléluia !
L’homme ne descend pas du singe, il tombe de cheval. Il est temps pour lui d’y remonter. Au galop crétin, pas assez perdu de temps comme ça ?
Pas trop de dignité cependant au risque de passer pour un fasciste, mais de la suffisance. De ça, il n’y en aura jamais assez, de la suffisance pour gazer le public, le maintenir dans la somnolence pour qu’il reste cynique et picole tout subversif, tout enfumé. Il s’agit de ne pas le faire rêver de peur qu’il ne se réveille. Debout les enfants ! Couchés ! Restez en positions au musée du souvenir. Ne surtout pas bouger ! De la suffisance oui mais quoi encore ? Des gros poils d’arrogance et de sauvagerie maladroite s’il vous plait, pour une heure de spectacle et demi pas bon marché et libéral. Les voilà qui singent les ambassadeurs et gouverneurs d’une torpeur devenue à grand défaut bien européenne.
« Ne pas pouvoir » en anglais se prononce comme le nom d’un philosophe allemand. Mais nos jeunes et moins jeunes de la nouvelle race des aliénés, petits choux de Bruxelles s’entêtent à se tromper, en quinte de toux, et rendre l’hommage inconscient comme il se doit aux vainqueurs de la guerre qui n’en finit pas de s’éterniser. Nous sommes tous des étoiles de mer soumises, trempées dans la compromission. Des étoiles que l’on trouve aussi sur tous les drapeaux des fausses et sacrées nations. Et ces étoiles de mer ne chantent pas. Sous l’inquisition, on les tait… La terre est ronde comme une blanche pointée.
C’étaient les voix des imposteurs merveilleux que j’imitais, fier admirateur. Je ne valais pas mieux que les
autres mais mon vol était plus discret car nombre de mes proies plus lointaines et les témoins de ce viol, mes comparses, pouvaient tomber si jamais je tombais. Qu’il est pervers de chanter, de sortir du dedans de soi
beaucoup plus que ce qu’on naît. De montrer un gland rose, irrigué, bâton de joie, grand chef d’orchestre d’un mouvement cyclique, cercle vicieux… Oh, mes idoles, St Marc au parfum d’amande, étincelles divines, lutins facétieux et autres rois David…
Invitations à un voyage de menteurs qui s’étirait aussi loin que leurs cordes souples, vocales et puissantes le
pouvaient. Quel talent. Et quelle propension de ma part à s’accrocher à ces mensonges, à ces leurres et aux nôtres… Si crédibles. C’est là que le bab laisse… On les reconnaît les nôtres, c’est bien noté et on les ignore pour les jauger et voir qu’ils ne valent pas mieux que nous. Et moi de jouer au fakir, de connaître et de jouir de cette illusion auditive, vibratoire, instructive et de croire que je ne suis pas seul mais bien unique en mon genre. A essayer de grimper haut, plus haut en faisant mine de rien. Imposteur… Vibrato et falsetto, marques de luxe, qu’il était beau l’âne que je montais et, que je me croyais bel apôtre.
Mais je ne veux plus chanter, je n’en ai plus le cœur. J’ai donné et j’ai bien envie d’en recevoir.
Une voix n’est que l’expression d’une personnalité. La personnalité ? Une croûte appétissante bien entretenue qui s’infecte et pollue le sang et le temps d’autrui. Un petit costume étriqué, mal coupé et bien coupant. Un corset qui serre la poitrine pour nous en donner plus et aguicher les pédants, un cache sexe de l’âme. Son caractère ? Accidentel. Un accident de fréquences. Anecdotique la voix je vous dis. Torrent de boue suivant la voie, la creusant parfois. Malheur à ceux qui suivent cette tranchée. Petite guerre personnelle, la voix…
Ma voix, elle me touche et je l’aime et je préfère me taire sur la nature référentielle et incestueuse de cet amour. Ma voix, je sais à qui la donner… Nous en débâterons plus tard si vous voulez bien vous taire. Ma voix d’imposteur narcissique, ma voix de pilleur de tombe, ma voix d’homme et ma voix de femme. De collectionneur de fétiches et de souvenirs. Ma voix comme un cheveux qui tient sur la tête de mule d’un monde
qui n’est pas Le Monde. Nos voix de petits prétentieux qui se la jouent profanes. Grands chœurs de gueules affamées de miel…
Si l’ablation d’une partie de notre être fondamental par les lois et mythes du mensonge n’avait pas trop asséché le bout de notre âme nous nous tairions enfin. Digne terrien, terre-toi dans le silence. Redonne-toi des racines, tu en mérites. Concentre toi et écoute.
Infâme pédale frileuse, ouvre tes pétales et danse un peu pour moi.
Tais-toi.
Et danse.
Joseph Holc
Syphilitique, épileptique, l’homme blanc ne chante plus, il geint, une radio fixée dans la tête, les oreilles bouchées double. Salopés de cynisme, prétendus romantiques et tout souffreteux, tellement mal en point. Ah, les petits princes fantoches des royaumes annexés de mes deux… Leurs femelles, mini chiennes jappant de la folk errante nous chient de mignons étrons tous semblables et sans but. Leurs bouts de chansons scandent : Le Pouvoir au Chat ! Le nez pincé et ukulélé, mélopées castrées à coup de Glokenspiele et tambourins. On se le pince aussi le nez, leur filet de voix troué pue comme un pet de fouf.
C’étaient les voix des imposteurs merveilleux bien avant que le fils de l’autre ne se noie. Cohorte de suiveurs,
petite flottille insubmersible tant leur coquille voix, est à la noix. Ames pédales et serviles… Alléluia !
L’homme ne descend pas du singe, il tombe de cheval. Il est temps pour lui d’y remonter. Au galop crétin, pas assez perdu de temps comme ça ?
Pas trop de dignité cependant au risque de passer pour un fasciste, mais de la suffisance. De ça, il n’y en aura jamais assez, de la suffisance pour gazer le public, le maintenir dans la somnolence pour qu’il reste cynique et picole tout subversif, tout enfumé. Il s’agit de ne pas le faire rêver de peur qu’il ne se réveille. Debout les enfants ! Couchés ! Restez en positions au musée du souvenir. Ne surtout pas bouger ! De la suffisance oui mais quoi encore ? Des gros poils d’arrogance et de sauvagerie maladroite s’il vous plait, pour une heure de spectacle et demi pas bon marché et libéral. Les voilà qui singent les ambassadeurs et gouverneurs d’une torpeur devenue à grand défaut bien européenne.
« Ne pas pouvoir » en anglais se prononce comme le nom d’un philosophe allemand. Mais nos jeunes et moins jeunes de la nouvelle race des aliénés, petits choux de Bruxelles s’entêtent à se tromper, en quinte de toux, et rendre l’hommage inconscient comme il se doit aux vainqueurs de la guerre qui n’en finit pas de s’éterniser. Nous sommes tous des étoiles de mer soumises, trempées dans la compromission. Des étoiles que l’on trouve aussi sur tous les drapeaux des fausses et sacrées nations. Et ces étoiles de mer ne chantent pas. Sous l’inquisition, on les tait… La terre est ronde comme une blanche pointée.
C’étaient les voix des imposteurs merveilleux que j’imitais, fier admirateur. Je ne valais pas mieux que les
autres mais mon vol était plus discret car nombre de mes proies plus lointaines et les témoins de ce viol, mes comparses, pouvaient tomber si jamais je tombais. Qu’il est pervers de chanter, de sortir du dedans de soi
beaucoup plus que ce qu’on naît. De montrer un gland rose, irrigué, bâton de joie, grand chef d’orchestre d’un mouvement cyclique, cercle vicieux… Oh, mes idoles, St Marc au parfum d’amande, étincelles divines, lutins facétieux et autres rois David…
Invitations à un voyage de menteurs qui s’étirait aussi loin que leurs cordes souples, vocales et puissantes le
pouvaient. Quel talent. Et quelle propension de ma part à s’accrocher à ces mensonges, à ces leurres et aux nôtres… Si crédibles. C’est là que le bab laisse… On les reconnaît les nôtres, c’est bien noté et on les ignore pour les jauger et voir qu’ils ne valent pas mieux que nous. Et moi de jouer au fakir, de connaître et de jouir de cette illusion auditive, vibratoire, instructive et de croire que je ne suis pas seul mais bien unique en mon genre. A essayer de grimper haut, plus haut en faisant mine de rien. Imposteur… Vibrato et falsetto, marques de luxe, qu’il était beau l’âne que je montais et, que je me croyais bel apôtre.
Mais je ne veux plus chanter, je n’en ai plus le cœur. J’ai donné et j’ai bien envie d’en recevoir.
Une voix n’est que l’expression d’une personnalité. La personnalité ? Une croûte appétissante bien entretenue qui s’infecte et pollue le sang et le temps d’autrui. Un petit costume étriqué, mal coupé et bien coupant. Un corset qui serre la poitrine pour nous en donner plus et aguicher les pédants, un cache sexe de l’âme. Son caractère ? Accidentel. Un accident de fréquences. Anecdotique la voix je vous dis. Torrent de boue suivant la voie, la creusant parfois. Malheur à ceux qui suivent cette tranchée. Petite guerre personnelle, la voix…
Ma voix, elle me touche et je l’aime et je préfère me taire sur la nature référentielle et incestueuse de cet amour. Ma voix, je sais à qui la donner… Nous en débâterons plus tard si vous voulez bien vous taire. Ma voix d’imposteur narcissique, ma voix de pilleur de tombe, ma voix d’homme et ma voix de femme. De collectionneur de fétiches et de souvenirs. Ma voix comme un cheveux qui tient sur la tête de mule d’un monde
qui n’est pas Le Monde. Nos voix de petits prétentieux qui se la jouent profanes. Grands chœurs de gueules affamées de miel…
Si l’ablation d’une partie de notre être fondamental par les lois et mythes du mensonge n’avait pas trop asséché le bout de notre âme nous nous tairions enfin. Digne terrien, terre-toi dans le silence. Redonne-toi des racines, tu en mérites. Concentre toi et écoute.
Infâme pédale frileuse, ouvre tes pétales et danse un peu pour moi.
Tais-toi.
Et danse.
Joseph Holc
"De bien beaux débits et phrasés de près,
De l'attente, je le vois, roule dans les yeux."
D.J.
De l'attente, je le vois, roule dans les yeux."
D.J.
Classe et X
My voix.
Je me lève en pleine nuit pour parler de ma voix. Et je baille aussi muettement que j'écris. J'aurais choisi la voie du silence si je n'avais rien promis. Mais il y a un hic (ou plutôt un "x" comme dans "voix", comme dans "larynx") : le hic, c'est que je l'ai promis, cet essai d'écrire ma voix ! Pourtant, avez-vous déjà entendu un aveugle parler de ce qu'il voit ("voit" avec un "t", avec ses yeux qui ont aussi cet "x" )?!
Comment parler de cet élément élémentaire alors qu'elle se ferait plutôt élément taire, cette voix. Qu'elle tairait ce qu'elle est. C'est dans l'élément terre que j'ai plutôt envie de l'enfouir, oui, pour l'occasion !... Comme un trésor ? Je ne sais si elle est précieuse à ce point mais je le crois. Ce que je sais, c'est que si par malheur j'étais aveugle des cordes vocales, elles qui me nourrissent, je n'aurais pas perdu que ma voix dans l'affaire, voix élément alimentaire, pour le coup. Sans elle, j'aurais l'impression d'être amputé d'un sacré morceau de moi, ça c'est clair. Que de compensations désespérées se mettraient en route, alors, j'imagine ! J'aurais tant de choses à ne plus dire, à ne plus chanter, que j'en aurais l'âme débordante au point d'en étouffer. Je n'aurais que les signes de la main et des claquements de langue, quel écart, quelle différence cruelle !
Plus que triste de rester sans voix, je serais très malheureux. Avec un "x" au bout du chemin de ce mot "malheureux". Un "x", cette "croix", mot qui en a aussi un et qui peut aussi bien être planté au bout de "heureux" qu'au bout de son contraire...Tout ces "x" redondants sans doute pour dire que de parler de ma voix est une équation à une inconnue...Ce que je sais, c'est que ma voix a été véhicule du meilleure comme du pire. De jolis et de moches sons, de jolies et de moches paroles, véhicule de vérités et de mensonges, parfois....
Me revient à l'esprit un directeur d'établissement qui avait utilisé ma sono pour un discours de voeux et qui, s'entendant dans le retour de scène, avait grommelé sourcils froncés: "c'est très désagréable !". Tout était bien réglé, puissance, clarté, pourtant. C'est juste que la propre voix de ce monsieur l'insupportait, qu'il n'en avait pas l'habitude...
La mienne, de voix, je l'ai détesté en l'entendant pour la première fois sur une vieille cassette audio, il y a bien longtemps. Je ne voulais peut-être pas qu'elle ressemble à la voix d'un frère ou d'un père, alors que j'aimais bien leurs voix à eux, je ne sais. Je ne crois pas que c'était vraiment de la détestation, en fait. Peut-être une gêne, une pudeur vis-à-vis de moi-même, une vexation qu'elle ne soit pas plus que ce que j'entendais là, à ce moment-là, quelque soit la qualité du son.
Je pense que l'amour-propre de sa voix est une chose délicate. Je ne m'écoute pas parler, mais si je dis une énormité, que je pique une colère, ma voix me revient salie, comme un boomerang. Dommage de mal se servir de cet instrument, "la voix humaine". Je trouve que "dire" en parlant ou en chantant est tellement jouissif, parfois. Ca vibre de bonheur quasiment des pieds à la tête même en ne faisant que "la la la". Ma voix est une sacrée matière première à respecter et je ne le sais pas. Ma voix a des pouvoirs et je les oublie. Ma voix est donc une putain de chance d'instrument magique que mon cerveau et mes humeurs peuvent gâcher trop souvent. Je devrais dire "nos voix", à chaque fois, "nos voix humaines". Mais bon, je dois parler de la mienne. Cette inconnue s'amuse à mettre des années à se présenter à moi, je pense, la coquine ! Je trouve que je ne commence qu'aujourd'hui à m'y faire, à l'apprivoiser un peu. Je m'en rends compte surtout dans le cas où elle me revient aux oreilles par je ne sais quel haut-parleur et que j'ai des restes de cette aversion qu'avait le monsieur plus haut et que j'ai eu aussi jadis. Il paraît qu'elle est agréable à l'oreille (les compliments m'en ont un peu convaincu). Ca fait plaisir d'entendre d'autres jolies voix dire cela.
Mais j'arrête là, je sens que je vais être vaniteux, prétentieux, pompeux...avec plein de "x" en bout de voie. J'en aurais des remords, d'être vantard. Ca m'opresserait le thorax et ma voix deviendrait sourde, coinçée quelque part, dans un gouffre, toute petite, indélogeable, comme ça m'est arrivé x fois. Elle n'aime pas trop que je me racle la gorge et que je tousse, en plus. D'ailleurs, elle préfère être un atout qu'une toux, (encore un "x" mal tombé, hé hé hé!)...
Ma foi, ma voix, je ne vois pas ce qu'en dirait ma voix. L'aveugle ne voit ni du rien ni du noir, je pense qu'il n'aurait pas de mots pour décrire sa vue, même s'il n'était pas muet, de surcroît. Ma plume a effleuré le voile de ma voix, c'est tout ce qu'elle a pu faire de cette inconnue ni vraiment farouche ni vraiment accessible.
André Guardiola
Je me lève en pleine nuit pour parler de ma voix. Et je baille aussi muettement que j'écris. J'aurais choisi la voie du silence si je n'avais rien promis. Mais il y a un hic (ou plutôt un "x" comme dans "voix", comme dans "larynx") : le hic, c'est que je l'ai promis, cet essai d'écrire ma voix ! Pourtant, avez-vous déjà entendu un aveugle parler de ce qu'il voit ("voit" avec un "t", avec ses yeux qui ont aussi cet "x" )?!
Comment parler de cet élément élémentaire alors qu'elle se ferait plutôt élément taire, cette voix. Qu'elle tairait ce qu'elle est. C'est dans l'élément terre que j'ai plutôt envie de l'enfouir, oui, pour l'occasion !... Comme un trésor ? Je ne sais si elle est précieuse à ce point mais je le crois. Ce que je sais, c'est que si par malheur j'étais aveugle des cordes vocales, elles qui me nourrissent, je n'aurais pas perdu que ma voix dans l'affaire, voix élément alimentaire, pour le coup. Sans elle, j'aurais l'impression d'être amputé d'un sacré morceau de moi, ça c'est clair. Que de compensations désespérées se mettraient en route, alors, j'imagine ! J'aurais tant de choses à ne plus dire, à ne plus chanter, que j'en aurais l'âme débordante au point d'en étouffer. Je n'aurais que les signes de la main et des claquements de langue, quel écart, quelle différence cruelle !
Plus que triste de rester sans voix, je serais très malheureux. Avec un "x" au bout du chemin de ce mot "malheureux". Un "x", cette "croix", mot qui en a aussi un et qui peut aussi bien être planté au bout de "heureux" qu'au bout de son contraire...Tout ces "x" redondants sans doute pour dire que de parler de ma voix est une équation à une inconnue...Ce que je sais, c'est que ma voix a été véhicule du meilleure comme du pire. De jolis et de moches sons, de jolies et de moches paroles, véhicule de vérités et de mensonges, parfois....
Me revient à l'esprit un directeur d'établissement qui avait utilisé ma sono pour un discours de voeux et qui, s'entendant dans le retour de scène, avait grommelé sourcils froncés: "c'est très désagréable !". Tout était bien réglé, puissance, clarté, pourtant. C'est juste que la propre voix de ce monsieur l'insupportait, qu'il n'en avait pas l'habitude...
La mienne, de voix, je l'ai détesté en l'entendant pour la première fois sur une vieille cassette audio, il y a bien longtemps. Je ne voulais peut-être pas qu'elle ressemble à la voix d'un frère ou d'un père, alors que j'aimais bien leurs voix à eux, je ne sais. Je ne crois pas que c'était vraiment de la détestation, en fait. Peut-être une gêne, une pudeur vis-à-vis de moi-même, une vexation qu'elle ne soit pas plus que ce que j'entendais là, à ce moment-là, quelque soit la qualité du son.
Je pense que l'amour-propre de sa voix est une chose délicate. Je ne m'écoute pas parler, mais si je dis une énormité, que je pique une colère, ma voix me revient salie, comme un boomerang. Dommage de mal se servir de cet instrument, "la voix humaine". Je trouve que "dire" en parlant ou en chantant est tellement jouissif, parfois. Ca vibre de bonheur quasiment des pieds à la tête même en ne faisant que "la la la". Ma voix est une sacrée matière première à respecter et je ne le sais pas. Ma voix a des pouvoirs et je les oublie. Ma voix est donc une putain de chance d'instrument magique que mon cerveau et mes humeurs peuvent gâcher trop souvent. Je devrais dire "nos voix", à chaque fois, "nos voix humaines". Mais bon, je dois parler de la mienne. Cette inconnue s'amuse à mettre des années à se présenter à moi, je pense, la coquine ! Je trouve que je ne commence qu'aujourd'hui à m'y faire, à l'apprivoiser un peu. Je m'en rends compte surtout dans le cas où elle me revient aux oreilles par je ne sais quel haut-parleur et que j'ai des restes de cette aversion qu'avait le monsieur plus haut et que j'ai eu aussi jadis. Il paraît qu'elle est agréable à l'oreille (les compliments m'en ont un peu convaincu). Ca fait plaisir d'entendre d'autres jolies voix dire cela.
Mais j'arrête là, je sens que je vais être vaniteux, prétentieux, pompeux...avec plein de "x" en bout de voie. J'en aurais des remords, d'être vantard. Ca m'opresserait le thorax et ma voix deviendrait sourde, coinçée quelque part, dans un gouffre, toute petite, indélogeable, comme ça m'est arrivé x fois. Elle n'aime pas trop que je me racle la gorge et que je tousse, en plus. D'ailleurs, elle préfère être un atout qu'une toux, (encore un "x" mal tombé, hé hé hé!)...
Ma foi, ma voix, je ne vois pas ce qu'en dirait ma voix. L'aveugle ne voit ni du rien ni du noir, je pense qu'il n'aurait pas de mots pour décrire sa vue, même s'il n'était pas muet, de surcroît. Ma plume a effleuré le voile de ma voix, c'est tout ce qu'elle a pu faire de cette inconnue ni vraiment farouche ni vraiment accessible.
André Guardiola
Défaire le mo(r)t
Le voilà le livre (2008) d'automne de chevet, de la voix qui veille et tombe à pic sans assommer, les pages qu'on prend, la fine reliure piquée qu'on glisse
dans une poche arrière, gardée au dessus des ponts et des perches tendues, qu'on reprend : l'expérimentation, le cheminement des détails qui font la vie (beaucoup celle de l'auteur et un peu celle des autres, ou l'inverse ; tout dépend qui rêve(nt) les interlignes) ; une somme de suites à donner, d'une
maîtrise toute relative (c'est bien là les fondations de cette histoire de fakir : tenir sur les planches à clous avec un doigt, ne rien lâcher et poursuivre).
Ne pas démordre du sujet imposé par La Machine à Cailloux : la création et son processus, justement en y procédant dans le fond comme dans la forme, en
annonçant à la fin non seulement être prêt (vrai, depuis le début), mais légitimé (la tête haute comme jamais).
D.J.
dans une poche arrière, gardée au dessus des ponts et des perches tendues, qu'on reprend : l'expérimentation, le cheminement des détails qui font la vie (beaucoup celle de l'auteur et un peu celle des autres, ou l'inverse ; tout dépend qui rêve(nt) les interlignes) ; une somme de suites à donner, d'une
maîtrise toute relative (c'est bien là les fondations de cette histoire de fakir : tenir sur les planches à clous avec un doigt, ne rien lâcher et poursuivre).
Ne pas démordre du sujet imposé par La Machine à Cailloux : la création et son processus, justement en y procédant dans le fond comme dans la forme, en
annonçant à la fin non seulement être prêt (vrai, depuis le début), mais légitimé (la tête haute comme jamais).
D.J.
Rouge-gorge (Fin saison 1)
Voilà une voix en recherche de voix, celle de Bruno Jamet... En semaine, pendant les horaires de bureau, vous trouverez les mains de l'auteur devant ou derrière des livres, mais en dehors, la plume et les mélopées caressent son cervelet underground. En dedans.
Les voix au fond de la bouche
Je suis assis dans le métro.
Le balancement du wagon me berce.
Je commence à m’assoupir.
A mes cotés, deux femmes discutent.
J’entends les mots.
Je ferme les yeux.
Je me concentre sur ce qu’elles disent :
Non pas sur les propos, non !
La forme
Intonations, débit des mots, rires, tics de langage
Je me concentre encore.
Je voudrais aller plus loin.
Plus loin.
En amont des mots.
Dans la bouche, la gorge,
Voir les muscles
Explorer le mécanisme.
Je me concentre.
M'assoupis encore un peu plus...
Les mots n'ont plus de sens,
Comme une langue inconnue ;
Un échange de son :
J'entends leur voix
Enfin !
Je suis assis dans le métro.
Le balancement du wagon me berce.
Je commence à m’assoupir.
A mes cotés, deux femmes discutent.
J’entends les mots.
Je ferme les yeux.
Je me concentre sur ce qu’elles disent :
Non pas sur les propos, non !
La forme
Intonations, débit des mots, rires, tics de langage
Je me concentre encore.
Je voudrais aller plus loin.
Plus loin.
En amont des mots.
Dans la bouche, la gorge,
Voir les muscles
Explorer le mécanisme.
Je me concentre.
M'assoupis encore un peu plus...
Les mots n'ont plus de sens,
Comme une langue inconnue ;
Un échange de son :
J'entends leur voix
Enfin !
La petite voix de l'œil, une langue, des pupilles.
Décrire ce que peut être une tombée de nuit : l'éclat d'un chien dans la montée de l'orage et, au même instant, le déclin d'un échange de voix pincées derrière de larges nez plats que l'on se passe. Tombent les têtes.(D.J)
A la vue de la virgule, de cette annonce de vigie suspendue, la voix prend ses marques et recule. Singulière et posée, elle ne peut décevoir. Reste la paume ou le cornet avec un dé pour avancer. Des pas et des points. (D.J)
Matou-voix
J'ai parcouru, en soirée, Autant que ciel se peut, dernier Opus - paru au Nouvel Athanor - d'Étienne Orsini (auteur et (en)chanteur), et cela en attendant un transport gratuit pour les moins nantis, sans savoir qu'il pouvait, ce transport, être aussi entre mes mains, bien doté et léché. Petit entretien et beaucoup d'échanges avec l'auteur.
"Le trou qu'il fera parmi les enfants
Quand il sera parti(...)" *
D.J : Est-ce le chat en boule, au fond de la gorge, qui fait que la voix même bas perchée peut finalement se percer et donner, doucement, à voir qui tu es ?
E.O : Je n'avais pas vu ça comme chat ! Non, pas du tout, du tout. Rien que mon tout petit matou en fin de carrière sur la Terre. Mais ta vision me plaît, me parle, me chante. Elle ne me paraît pas moins juste que la première, montrant -une fois de plus qu'écrire- c'est se laisser écrire. Quand bien même on croirait certaines lignes univoques, la polyphonie n'a jamais dit son dernier mot.
D.J : Oui, fin juin c'est la fête des visions, alors voilà le panneau était pour moi. Le lecteur, figure intérieure, est polyphonique (la petite musique des mots) à souhait, en effet. Jamais repu.Te souviens-tu de ta première page d'encre ?
"(...) En prévision du soir, je m'en vais
Découper dans sa robe un soupirail " *
E.O : Un regard bienveillant surplombe mes 10 ans et mes premières pages d'encre. Mon grand-oncle, à la mort de sa femme, avait délaissé la peinture qui avait été toute sa vie, pour l'écriture... A ce titre, il m'avait adoubé comme un jeune confrère. Tout ce qui sortait de ma plume lui passait sous les yeux : des poèmes (forcément mauvais) et des textes pseudo-scientifiques sur le Triangle des Bermudes (ma marotte du moment). Dans sa barbe blanche se dessinaient des mots, jamais faussement flatteurs et cependant toujours encourageants. Sa voix flûtée égrenait à l'envi des "n'est-ce pas ?" entre deux toussotements. Et quand il m'écrivait, c'était en bleu des mers du sud. Voilà ce dont je me souviens. Et toi, Oncle au Monocle aux mystérieuses initiales de Disc-Jokey, qui donc reflète ta première page ?
D.J : En tout cas pas l'encre du matin, je ne suis pas l'arroseur à rosées... Plutôt Disc-Jokey, en effet... Un soir de septembre 1989, seul, mais avec une tutelle en tête : la plume de ma mère en souvenir, en présence, en devenir ; ma mère de dos avec sa bille bleue qui file l'encre dès qu'elle le peut, pour elle mais surtout pour les autres, comme elle l'a toujours fait. Septembre 1989 donc... Une lettre pour une amie. Une lettre qui est devenue un acte fondateur. Je n'ai aucune trace de cette lettre, jamais relue (pas l'occasion), peut-être mieux ainsi. Mais elle n'est pas revenue. Et mieux, a fait l'objet d'une réponse. La voilà la fondation : non pas un, mais deux points d'appui.
Les corps sont-ils aussi importants que les choses dans ton écriture ?
"(...) Un corps vaut-il deux silhouettes?" *
E.O : Deux points d'appui, deux silhouettes et l'écriture prend corps...
Ne serait-ce que parce qu'il pèse, encombre, le corps occupe pour moi une place considérable. C'est souvent un sac de riz laissé sur un dock par une âme affamée et jamais assouvie de festins célestes.
D'aucuns parviennent à le faire danser, tournoyer, s'élever... Et ce n'est plus un sac de riz ! Ceux-là m'émerveillent. Comme aurait dit Flaubert : "Ils sont dans le vrai". Ils méritent cette magnifique formule de Michaël Glück : "Le ciel reste muet pour que parlent les corps".
"L'homme qui écrit
Montre le même dos
Rond que la lune (...) " *
D.J : Ton écriture n'a-t-elle à voir qu'avec la chaise de la table qui te sert d'écritoire ou t'arrive-t-il d'écrire d'abord en marchant et de ne faire, le cas échéant, que retranscrire après cet exercice ?
E.O : Lorsque je marche, je ne vois rien ni personne. Fort heureusement, une sorte de sonar m’empêche de me cogner au premier réverbère ou à quelque passant qui a déjà été ma femme. C’est donc bien que je dois écrire en marchant. La moisson cependant s’effectue toujours au matin, dans la concavité d’un bon fauteuil, une tasse de café à la main. Allez savoir pourquoi, c’est d’ailleurs toujours à la deuxième tasse que la muse apparaît.
"Faire et défaire
Plus ample connaissance." *
D.J : Tes carnets noircis de notes constituent-ils tes productions définitives (un seul jet ?) ou un cheminement, une progression vers ton écriture matutinale, un besoin de noter le quotidien ? Pour être plus clair et faire court, laisses-tu des textes en jachère ou aboutissent-ils toujours ? Sachant que la jachère peut aussi porter ses fruits... Avec le temps.
E.O : Non, mes poèmes n'aboutissent pas toujours. Une phrase surgit d'un coup, les suivantes naissent parfois dans la douleur, au milieu de ratures et de flèches. Et bien des notes ne sortiront pas du carnet... Je ne reprends pas tant mes textes que leur agencement. Je trouve fascinant qu'avec les mêmes poèmes, on puisse aboutir à tant de combinaisons possibles. Il me faut en essayer plusieurs pour trouver la bonne ou plutôt la vraie. Je découvre alors quelque chose que je n'avais pas soupçonné. Pour le reste, j'écris au quotidien, c'est vrai. Certains jours ne donnent rien. Il m'arrive de m'en réjouir comme d'une preuve précieuse : l'écriture n'est pas automatique. Elle a besoin de moi !
D.J : Ma voix intérieure me fait signe qu'il faut que nous abrégions. Justement, dans quelles conditions pourrais-tu envisager la fin de ton écriture ?
E.O :
Du jour où je cesserai de me réclamer mes papiers
D'avoir à justifier chaque instant de mon souffle
Devant le douanier sourcilleux du check point
L'écriture n'aura plus lieu d'être.
"La force du silence
Disperse la foule." *
( * ) Extraits d'Autant que ciel se peut d'Étienne Orsini - Le Nouvel Athanor - Mars 2010
"Le trou qu'il fera parmi les enfants
Quand il sera parti(...)" *
D.J : Est-ce le chat en boule, au fond de la gorge, qui fait que la voix même bas perchée peut finalement se percer et donner, doucement, à voir qui tu es ?
E.O : Je n'avais pas vu ça comme chat ! Non, pas du tout, du tout. Rien que mon tout petit matou en fin de carrière sur la Terre. Mais ta vision me plaît, me parle, me chante. Elle ne me paraît pas moins juste que la première, montrant -une fois de plus qu'écrire- c'est se laisser écrire. Quand bien même on croirait certaines lignes univoques, la polyphonie n'a jamais dit son dernier mot.
D.J : Oui, fin juin c'est la fête des visions, alors voilà le panneau était pour moi. Le lecteur, figure intérieure, est polyphonique (la petite musique des mots) à souhait, en effet. Jamais repu.Te souviens-tu de ta première page d'encre ?
"(...) En prévision du soir, je m'en vais
Découper dans sa robe un soupirail " *
E.O : Un regard bienveillant surplombe mes 10 ans et mes premières pages d'encre. Mon grand-oncle, à la mort de sa femme, avait délaissé la peinture qui avait été toute sa vie, pour l'écriture... A ce titre, il m'avait adoubé comme un jeune confrère. Tout ce qui sortait de ma plume lui passait sous les yeux : des poèmes (forcément mauvais) et des textes pseudo-scientifiques sur le Triangle des Bermudes (ma marotte du moment). Dans sa barbe blanche se dessinaient des mots, jamais faussement flatteurs et cependant toujours encourageants. Sa voix flûtée égrenait à l'envi des "n'est-ce pas ?" entre deux toussotements. Et quand il m'écrivait, c'était en bleu des mers du sud. Voilà ce dont je me souviens. Et toi, Oncle au Monocle aux mystérieuses initiales de Disc-Jokey, qui donc reflète ta première page ?
D.J : En tout cas pas l'encre du matin, je ne suis pas l'arroseur à rosées... Plutôt Disc-Jokey, en effet... Un soir de septembre 1989, seul, mais avec une tutelle en tête : la plume de ma mère en souvenir, en présence, en devenir ; ma mère de dos avec sa bille bleue qui file l'encre dès qu'elle le peut, pour elle mais surtout pour les autres, comme elle l'a toujours fait. Septembre 1989 donc... Une lettre pour une amie. Une lettre qui est devenue un acte fondateur. Je n'ai aucune trace de cette lettre, jamais relue (pas l'occasion), peut-être mieux ainsi. Mais elle n'est pas revenue. Et mieux, a fait l'objet d'une réponse. La voilà la fondation : non pas un, mais deux points d'appui.
Les corps sont-ils aussi importants que les choses dans ton écriture ?
"(...) Un corps vaut-il deux silhouettes?" *
E.O : Deux points d'appui, deux silhouettes et l'écriture prend corps...
Ne serait-ce que parce qu'il pèse, encombre, le corps occupe pour moi une place considérable. C'est souvent un sac de riz laissé sur un dock par une âme affamée et jamais assouvie de festins célestes.
D'aucuns parviennent à le faire danser, tournoyer, s'élever... Et ce n'est plus un sac de riz ! Ceux-là m'émerveillent. Comme aurait dit Flaubert : "Ils sont dans le vrai". Ils méritent cette magnifique formule de Michaël Glück : "Le ciel reste muet pour que parlent les corps".
"L'homme qui écrit
Montre le même dos
Rond que la lune (...) " *
D.J : Ton écriture n'a-t-elle à voir qu'avec la chaise de la table qui te sert d'écritoire ou t'arrive-t-il d'écrire d'abord en marchant et de ne faire, le cas échéant, que retranscrire après cet exercice ?
E.O : Lorsque je marche, je ne vois rien ni personne. Fort heureusement, une sorte de sonar m’empêche de me cogner au premier réverbère ou à quelque passant qui a déjà été ma femme. C’est donc bien que je dois écrire en marchant. La moisson cependant s’effectue toujours au matin, dans la concavité d’un bon fauteuil, une tasse de café à la main. Allez savoir pourquoi, c’est d’ailleurs toujours à la deuxième tasse que la muse apparaît.
"Faire et défaire
Plus ample connaissance." *
D.J : Tes carnets noircis de notes constituent-ils tes productions définitives (un seul jet ?) ou un cheminement, une progression vers ton écriture matutinale, un besoin de noter le quotidien ? Pour être plus clair et faire court, laisses-tu des textes en jachère ou aboutissent-ils toujours ? Sachant que la jachère peut aussi porter ses fruits... Avec le temps.
E.O : Non, mes poèmes n'aboutissent pas toujours. Une phrase surgit d'un coup, les suivantes naissent parfois dans la douleur, au milieu de ratures et de flèches. Et bien des notes ne sortiront pas du carnet... Je ne reprends pas tant mes textes que leur agencement. Je trouve fascinant qu'avec les mêmes poèmes, on puisse aboutir à tant de combinaisons possibles. Il me faut en essayer plusieurs pour trouver la bonne ou plutôt la vraie. Je découvre alors quelque chose que je n'avais pas soupçonné. Pour le reste, j'écris au quotidien, c'est vrai. Certains jours ne donnent rien. Il m'arrive de m'en réjouir comme d'une preuve précieuse : l'écriture n'est pas automatique. Elle a besoin de moi !
D.J : Ma voix intérieure me fait signe qu'il faut que nous abrégions. Justement, dans quelles conditions pourrais-tu envisager la fin de ton écriture ?
E.O :
Du jour où je cesserai de me réclamer mes papiers
D'avoir à justifier chaque instant de mon souffle
Devant le douanier sourcilleux du check point
L'écriture n'aura plus lieu d'être.
"La force du silence
Disperse la foule." *
( * ) Extraits d'Autant que ciel se peut d'Étienne Orsini - Le Nouvel Athanor - Mars 2010
Par la fenêtre, la voix oubliée de la vieille voisine en blouse fleurie ; par la vitrine, la voix rentrée de la femme du boulanger revenant de l'arrière-boutique les bras enfarinés ; par l'étalage, la voix démultipliée du poissonnier, les sardines au dessus du papier ; par la bouteille de blanc et l'abeille sur le liège, la voix arrachée de la cloche ; par le doigt sur le bouton chromé, la voix du photographe, petite voix, intérieure ; par la chaise, la voix étudiée de l'arbitre qui ne la perd jamais ; par la lumière enfumée du troisième étage, la voix des joueurs de cartes ; par les couleurs matinales, la voix du sergent qui y croit vraiment ; tous avec les mêmes mots à la bouche : "Beau temps pour un lundi." Le moment précis où la voix ne demande rien à l'oreille parce que la vie continue. Et qu'elle se couvrira. Qu'on nous couvrira.
(D.J)
Luc Spencer choisit de prendre son temps pour parler de la voix et nous offre un premier épisode. Luc est un passeur et rend possible, dans une autre vie, la voix des autres : photographes, peintres, vidéastes, chanteurs et musiciens. Pour compléter, voici l'écriture, la sienne.
Mon rapport à la voix :
Complexe et complexé - Épisode 1
Il y a des voix parlée, des monologues intérieurs, des voix chantées, des hurlements, des soupirs, des langages, des bruissements de la langue, des onomatopées, des rots ...
Je me focaliserai ici sur mon expérience de la voix chantée.
Chacun d'entre nous en a fait l'expérience :
Notre voix enregistrée nous est restituée sous une forme étrangère, insupportable, inacceptable, tout comme il nous est souvent inacceptable et insupportable de se tomber dessus nez à nez, par caméra interposée.
Ces traits grossiers, ces gros nez, ces peaux luisantes, ces chorégraphies pataudes, ces nez qui parlent, ces fréquences agressives, ces voix de garages ne peuvent pas nous appartenir, c'en est trop ! Cette esthétique révoltante ne débouchera au choix que sur l'impuissance à s'assumer, sur la résignation, voir, dans les cas les plus désespérés sur la résiliation. Bien sûr, la chirurgie esthétique reste une autre solution.
La bonification de la voix
Cependant, dans le cas de la voix chantée, pour le chant donc, un vilain petit canard à droit à une deuxième chance et peut, s'il s'y applique avec méthode, chanter un jour au moins comme Franck Sinatra. Entendons-nous bien, chanter comme Franck ne fera pas du VPC (vilain petit canard) un FS (Franck Sinatra). Disons plutôt qu'une sorte d'alchimie, de lente bonification des cordes vocales, de laborieux et complexe processus le conduiront peut-être un jour à "trouver sa voix" ?
Fin de l'épisode 1
Luc Spencer
Je me focaliserai ici sur mon expérience de la voix chantée.
Chacun d'entre nous en a fait l'expérience :
Notre voix enregistrée nous est restituée sous une forme étrangère, insupportable, inacceptable, tout comme il nous est souvent inacceptable et insupportable de se tomber dessus nez à nez, par caméra interposée.
Ces traits grossiers, ces gros nez, ces peaux luisantes, ces chorégraphies pataudes, ces nez qui parlent, ces fréquences agressives, ces voix de garages ne peuvent pas nous appartenir, c'en est trop ! Cette esthétique révoltante ne débouchera au choix que sur l'impuissance à s'assumer, sur la résignation, voir, dans les cas les plus désespérés sur la résiliation. Bien sûr, la chirurgie esthétique reste une autre solution.
La bonification de la voix
Cependant, dans le cas de la voix chantée, pour le chant donc, un vilain petit canard à droit à une deuxième chance et peut, s'il s'y applique avec méthode, chanter un jour au moins comme Franck Sinatra. Entendons-nous bien, chanter comme Franck ne fera pas du VPC (vilain petit canard) un FS (Franck Sinatra). Disons plutôt qu'une sorte d'alchimie, de lente bonification des cordes vocales, de laborieux et complexe processus le conduiront peut-être un jour à "trouver sa voix" ?
Fin de l'épisode 1
Luc Spencer
Ma voix, sous l'arbre, tombe en lente lumière, vide la résine-chamade de mes bronches, émonde mes cordes élimées, remonte à mes crimes solaires : ma peau de fêtes, matinée de brûlures intimes, mes vieilles rivières. De mes épaules, j'écaille, j'ôte, trace une carte... Où en étais-je ? (D.J)
Voilà la production vocale écrite d'un Chic Type.
Nous nous rencontrons pour la première fois en 1988. Nous nous quittons bon camarade sans vraiment se connaître en septembre 1989 : ultime serrage de pinces en terre bretonne. Nous allons nous apercevoir à nouveau à trois reprises : dans le TGV, 11 ans plus tard, puis Boulevard Richard-Lenoir (avec dans ma poche intérieure un de mes opus que j'allais adresser à une connaissance commune) puis, rue de la Folie-Méricourt (en plein préparatifs pour un voyage londonien) : voisins pendant des années, sans le savoir. Presque à chaque fois, sans voix. En 2008, nous renouons sur la toile. Aujourd'hui, cet écrit fait la part belle à la voix de l'autre, donc à soi-même, au train, à l'Angleterre, à Buster Keaton et Ian Curtis. Et c'est tant mieux.
J’ai suivi deux voix : la voix du père, la voix de l’amer
On emprunte des voix, des voix de rôles : celle qui parlent ou chantent comme si elles vous habitaient de l’intérieur et celles qui guident
J’ai emprunté la voix de mon père, une voix comme un bras autour des épaules qui suggère de ralentir le pas, de baisser d’un ton. Mes mots sont différents des siens aujourd’hui, je suis d’une autre langue d’adoption.
La voix de Ian Curtis, le jeune homme à l’extra-mue, gorge profonde, mythe caverneux du rock. La voix à laquelle s’identifient des milliers d’adolescents qui n’ont pas encore mués mais sont déjà tombés en gravité, graves dans leurs airs. Sa voix leur donne le ton du pire ou de la comédie qui sont – peut être – à venir.
Le soir, j’appelle des copains de mon père et parle avec eux. Aucun effort à faire sur les vibrations : j’ai sa voix. Parfois je leur parle de moi.
La train entre en gare, sur une voie de garage un cheminot en combinaison jaune se tient à l’avant d’une locomotive verte qui avance lourdement. Comme à la proue d’un bateau, il donne une impression de liberté, de danger et d’euphorie, le mécano de la générale…
J’arrive dans une nouvelle ville : c’est le moment idéal pour changer de voix. La poser, trouver les mots : débuter une histoire.
Gildas Launay
On emprunte des voix, des voix de rôles : celle qui parlent ou chantent comme si elles vous habitaient de l’intérieur et celles qui guident
J’ai emprunté la voix de mon père, une voix comme un bras autour des épaules qui suggère de ralentir le pas, de baisser d’un ton. Mes mots sont différents des siens aujourd’hui, je suis d’une autre langue d’adoption.
La voix de Ian Curtis, le jeune homme à l’extra-mue, gorge profonde, mythe caverneux du rock. La voix à laquelle s’identifient des milliers d’adolescents qui n’ont pas encore mués mais sont déjà tombés en gravité, graves dans leurs airs. Sa voix leur donne le ton du pire ou de la comédie qui sont – peut être – à venir.
Le soir, j’appelle des copains de mon père et parle avec eux. Aucun effort à faire sur les vibrations : j’ai sa voix. Parfois je leur parle de moi.
La train entre en gare, sur une voie de garage un cheminot en combinaison jaune se tient à l’avant d’une locomotive verte qui avance lourdement. Comme à la proue d’un bateau, il donne une impression de liberté, de danger et d’euphorie, le mécano de la générale…
J’arrive dans une nouvelle ville : c’est le moment idéal pour changer de voix. La poser, trouver les mots : débuter une histoire.
Gildas Launay
Les blancs tremblés d'une voix grave :
Comme un négatif développé
Sous la cape de l'instant.
(D.J)
En avril 2008, je serre pour la première fois la poigne de J.C Picavet, lutteur-tailleur de pierre-sculpteur-chercheur qui pendant près d'une année va me faire approcher l'horizon des temporalités, des rythmes, des personnes et des temps qui passent. Je l'écoute. Il m'écoute. Nous écoutons. Nous affrontons. Nous confrontons. Il fabrique un bateau. Part à la pêche. Au delà du bois flotté. Les mains cherchent les rames. La lumière semble attentive à sa ligne.
« Vous entendez les arbres qui tombent…
Mais vous n’entendez pas la sève qui monte… »
C’est un médecin et poète Haïtien qui m’a rapporté ce proverbe de son île. La parole est rapport universel de ce qui nous parle, ce qui nous chante ou nous enchante parfois… La voix, porte dans sa mélopée bien autre chose que des mots. Ce que l’on ressent et ce que l’on comprend sont en effet les deux visages des paroles. Cette résonance, entre sensible et sensé, fait vibrer nos cordes vocales de l’air, mais aussi de l’âme… Ce souffle est l’origine latine du mot « anima », inspiration et expression se font parfois silence et latence…
La voix, dans la rhétorique, porte ce rythme particulier, qui incarne la parole d’élans et de retenues.
Les logorrhées et gazouillis des touts petits, comme les paroles qui rassurent et apaisent, nous reviennent souvent du plus loin de nos sens humains.
Entendre des voix est notre lot commun, de quelles manières nous donnons sens à ce qui nous parle ? Comment sait-on se parler à soi-même, entendre raison ? L’entendement, n’est pas seulement entendre, mais écouter et réfléchir, raisonner… Dans toutes les légendes et nos mythes, la voix et le regard sont les échanges les plus précieux, mais aussi les plus dangereux… Entre chimères et autres sirènes il est aussi l’inspiration divine, ce qui nous élève ou nous guide… De la « Vox populi, vox dei » à la voix du GPS, savoir où l’on va est nécessaire…
La voix serait-elle aussi la voie que l’on empreinte ? Une croisée des chemins entre ce que l’on entend et ce que l’on comprend ? Entre le mot et la chose, toujours cette résonance…
Ce que l’on voit aussi s’invite au doigt et à l’œil, comme ce qui est bien entendu…
Les jeux de mots, de sonorités et de sens ou de contre-sens, s’invitent toujours…
La sémantique montre bien que les paroles sont du vent, mais qu’en parlant nous semons.
J.C. Picavet
Parmi les voix
Non pas
Dans le bris
Des regards
L'aveugle aurait-il
Plus de chances
De te trouver ?
Etiene Orsini
Non pas
Dans le bris
Des regards
L'aveugle aurait-il
Plus de chances
De te trouver ?
Etiene Orsini
Le nœud en sa corde couvre la voix, la serre, m'écarquillent les yeux spectaculaires, les ouvrent par la serrure secrète sur un petit paquet de bois soufré.
Suis-je seulement encore en mesure de couver quelque chose et de me taire ? (D.J)
Voilà, une voix de comédien pour continuer d'explorer les nôtres ; celle de Pierre Morice, comédien à la ville, étirant des fils et les visages, les cordes de tous les âges. A pied et en train, dans une quête de grands espaces. Prêtant sa voix à de multiples projets, il a notamment collaboré à la version française d'un film de Ken Loach : Le vent se lève.
En moi, la voix
En moi résonnent mélodies atonales, chuchotements imperceptibles, vaines vociférations, instantanés multicolores…
En moi résonnent soupirs comblés, vides travaillés, silences sculptés, rythmes éclatés…
En moi raisonnent voluptés partagées, perceptions échangées, sons acérés, mots aiguisés…
En moi raisonnent les maux des autres…
En moi les mots sont corps et sons…
En moi les mots font corps et sont.
Pierre Morice
En moi résonnent soupirs comblés, vides travaillés, silences sculptés, rythmes éclatés…
En moi raisonnent voluptés partagées, perceptions échangées, sons acérés, mots aiguisés…
En moi raisonnent les maux des autres…
En moi les mots sont corps et sons…
En moi les mots font corps et sont.
Pierre Morice
Belle surprise que cette voix du sud qui m'arrive ce dimanche, sous le soleil et le nuage d'Islande. Invisible, intouchable. Nous sommes en 2004, Fabienne Treille et moi nous rencontrons pour un projet de DVD sur les premières fois. On échange, on écoute, on plante des micros, des images, et mangeons des crêpes, je regarde Nation de tout en haut. J'y suis revenu, il y a une dizaine de mois pour quelques films glanés dont un, passionnant, qui fait écho à ces propos : Le corsaire, le magicien, le voleur et les enfants de Julie Gavras. Ce sont maintenant et depuis quelques temps des enfants qui écoutent Fabienne à la médiathèque de Bordeaux. La voix dans les pages.
Ma voix, elle dit...
Elle dit : « Je suis fatiguée ». Elle s’essouffle et glisse dans un murmure.
Silence.
Elle dit : « Les cerisiers sont en fleurs ». Elle sourit aux bouquets blancs.
Ombre et lumière oscillent, qui la font monter puis descendre, c’est le grand huit du printemps.
Chant.
Elle dit : « T’as remarqué ? » Elle pchipchite, sautille et ricoche.
Rires.
Elle dit : « Je ne peux pas ». Aucune issue ne s’offre à elle : ne reste qu’à tourner à l’intérieur sans cesser de cogner à la porte.
Tambours.
Elle dit : « Pars ». Elle s’outretombe, puis s’effondre.
Pleurs.
Elle dit : « Suis-moi ». Elle a la fraîcheur de torrent et la profondeur moelleuse des mousses de rocailles.
Soupirs et tremblements.
Elle dit : « Va chercher ton bonnet ! » Elle s’arrondit dans la douceur de laine mais s’autorise l’ordre.
Présence.
Elle dit : « on arrive ! » Elle se précipite, prend son élan et va au ciel.
Bourrasque.
Elle dit : « Il était une fois... ». Elle vibre, avale tout l’air des mots et s’envole.
Souffle.
Fabienne Treille
Silence.
Elle dit : « Les cerisiers sont en fleurs ». Elle sourit aux bouquets blancs.
Ombre et lumière oscillent, qui la font monter puis descendre, c’est le grand huit du printemps.
Chant.
Elle dit : « T’as remarqué ? » Elle pchipchite, sautille et ricoche.
Rires.
Elle dit : « Je ne peux pas ». Aucune issue ne s’offre à elle : ne reste qu’à tourner à l’intérieur sans cesser de cogner à la porte.
Tambours.
Elle dit : « Pars ». Elle s’outretombe, puis s’effondre.
Pleurs.
Elle dit : « Suis-moi ». Elle a la fraîcheur de torrent et la profondeur moelleuse des mousses de rocailles.
Soupirs et tremblements.
Elle dit : « Va chercher ton bonnet ! » Elle s’arrondit dans la douceur de laine mais s’autorise l’ordre.
Présence.
Elle dit : « on arrive ! » Elle se précipite, prend son élan et va au ciel.
Bourrasque.
Elle dit : « Il était une fois... ». Elle vibre, avale tout l’air des mots et s’envole.
Souffle.
Fabienne Treille
A l'approche
Par l'hygiaphone, je tends l'oreille et place la voix des autres dans un tiroir secret. Je valse, j'endosse, je ploie, je trie, je racle, je classe, j'ajourne sous le froid ce qui se voile, je froisse le langage de la poisse blanche, et devant l'obstacle, par en dessous, délivre un bon. (D.J)
L'âge du cri
Un étrange octogénaire, grand et maigre, un peu bossu avec un chapeau texan, plaque une radio de poche en marche contre sa bouche. Il mouille ses pieds, s'enfonce dans la mer, mais reste à vue. D'abord droit, puis courbe un peu avant les omoplates. Les sons sortent et portent contre ses lèvres. Il fait, sans cesse, tourner à gauche une molette et change de station. Il se retire de l'eau, éteint tout. Il regagne et regarde la foule, ferme les yeux, les épaules s'offrent à l'air, il se met à crier. Il a dans le dos comme une cicatrice, une couture de sel, la marque du silence brisé, celle des solitaires. (D.J)
Il y a quelques étés, je longeais une plage de Bénodet. Le soir même, Olivier Mellano s'y produisait. J'étais déjà reparti. Dans maintes situations, je le sais, parce que je le lis ou le vis, nous nous échappons. La seule fois où nous nous sommes croisés pour parler, c'était dans une chapelle bleue, qui des années plus tôt m'avait servi avec d'autres de salle de ping-pong, propice donc aux échanges. Ce matin encore, c'est l'écriture de deux courriers croisés qui donnera accès à la parole, aux mots que l'on s'accorde. Concrètement, c'est en consentant, ci-dessous, à nous livrer un extrait d'une de ses productions écrites qu'Olivier libère en un sommet la et sa voix sur un fil : La Funghimiracolette et autres trésors de l'équilibre.
La note
Cela peut durer une journée entière.
Le premier levé donne la Note.
Il la tient jusqu'à ce que la première personne croisée l'en débarrasse. Celle ci la tient jusqu'à ce qu'elle rencontre quelqu'un à son tour. Ainsi de suite, la Note passe de gorge en gorge sans interruption possible. C'est la tradition et jamais personne n'a osé briser cette chaîne.
La Note sillonne les rues, fragile, s'invite dans les appartements, incongrue, brise les actions entamées. Elle traverse les corps comme des résonateurs d'emprunt aux humeurs différentes et on peut l'entendre sur tous les tons. Solennelle, agacée, transie, éthérée, insolente, indifférente ou appliquée.
On dit qu'une Note ne s'est jamais arrêtée et qu'elle fait le tour du monde.
Si vous croisez un jour quelqu'un qui fait "aaaaaaaaaah", c'est sûrement votre tour.*
Olivier Mellano
*Extrait de "La Funghimiracolette et autres trésors de l'équilibre" Editions MF
Le premier levé donne la Note.
Il la tient jusqu'à ce que la première personne croisée l'en débarrasse. Celle ci la tient jusqu'à ce qu'elle rencontre quelqu'un à son tour. Ainsi de suite, la Note passe de gorge en gorge sans interruption possible. C'est la tradition et jamais personne n'a osé briser cette chaîne.
La Note sillonne les rues, fragile, s'invite dans les appartements, incongrue, brise les actions entamées. Elle traverse les corps comme des résonateurs d'emprunt aux humeurs différentes et on peut l'entendre sur tous les tons. Solennelle, agacée, transie, éthérée, insolente, indifférente ou appliquée.
On dit qu'une Note ne s'est jamais arrêtée et qu'elle fait le tour du monde.
Si vous croisez un jour quelqu'un qui fait "aaaaaaaaaah", c'est sûrement votre tour.*
Olivier Mellano
*Extrait de "La Funghimiracolette et autres trésors de l'équilibre" Editions MF
Là où la voix s'ôte
J'ai repris la lecture de Port-Soudan d'Olivier Rollin. Au balcon d'une piscine. 29°c. Le chlore me fait toujours l'effet d'une promesse d'asphyxie. Comme à chaque fois, presque tenue. Et si la rampe...?...
Avec les yeux, à voix basse, je ne peux plus. Je veux lire à voix haute, me raser la moustache que je n'ai pas, sentir le vent. M'entendre, me voir piquer jusqu'à la cible. Ne plus rien croiser, ni personne. Se troubler dans son propre écho. Se reprendre, à l'oreille. Avancer les lignes. Passer des jours à tourner le papier, en boucle. Et puis, fermer l'opus, les paupières roulées : ne plus revenir. Dire aux autres le frottement ocre et blanc du temps, dans ma gorge abimée, ma croix perdue, ma croix, mon œsophage, ma luette-plongeoir, mon choix, ma tonnelle de chair, les consonnes, toujours deux fois, les voyelles nombreuses, factorisées, fermer la parenthèse, reprendre mon journal, m'abonner absent. Lire ou apprendre à plonger, respirer, remonter. La même affaire. (D.J)
Avec les yeux, à voix basse, je ne peux plus. Je veux lire à voix haute, me raser la moustache que je n'ai pas, sentir le vent. M'entendre, me voir piquer jusqu'à la cible. Ne plus rien croiser, ni personne. Se troubler dans son propre écho. Se reprendre, à l'oreille. Avancer les lignes. Passer des jours à tourner le papier, en boucle. Et puis, fermer l'opus, les paupières roulées : ne plus revenir. Dire aux autres le frottement ocre et blanc du temps, dans ma gorge abimée, ma croix perdue, ma croix, mon œsophage, ma luette-plongeoir, mon choix, ma tonnelle de chair, les consonnes, toujours deux fois, les voyelles nombreuses, factorisées, fermer la parenthèse, reprendre mon journal, m'abonner absent. Lire ou apprendre à plonger, respirer, remonter. La même affaire. (D.J)
Je voudrais que ma voix
Parler de sa voix, n’est-ce pas un peu se regarder dans le blanc de ses yeux ? Lancer une sorte de défi à l’entendement ( !), assouvir une lubie d’homme (-grenouille) voulant se faire aussi gros que le dieu (-bœuf) ?
Il n’est déjà pas donné à tout le monde d’accepter de s’entendre, de pouvoir s’écouter sans sursauter ni tressaillir ; alors, parler de ce qui parle en soi !
Je me suis souvent demandé pourquoi, parmi ceux qui parviennent à dompter sans peine leur reflet, si peu pouvaient soutenir l’écho de leurs propres paroles. Aujourd’hui, me vient cette tentative d’explication : on peut se mentir à soi-même avec un peu de fard ou de vernis, avec une barbe bien fournie ou de belles bacchantes, mais bien malin qui réussira à se berner en jouant de ses cordes vocales !
Le plus difficile à masquer dans une voix, c’est la vérité du mensonge. Non pas de ce mensonge sous contrôle que je viens d’évoquer, mais du mensonge qui nous dépasse, qui se trouve secrété malgré nous parce que nous sommes incapables d’un tant soit peu de profondeur. Il ne s’agit pas ici de ce que l’on appelle communément « chanter faux » -au contraire, celui qui chante faux le fait sincèrement- mais plutôt de ce que Serge Wilfart, dans Le Chant de l’Etre, qualifie d’action de « chanter juste avec un instrument faux ». En effet, bien souvent, nos voix nous révèlent dans toute notre insuffisance, dans notre superficialité, notre « immaturité » aurait dit Gombrowicz. Nous n’allons pas chercher notre voix sous la surface, dans le tréfonds de notre propre corps. Nous ne faisons que singer. Nous jouons aux grands.
Curieusement, contrairement à la plupart, je n’éprouve pas de malaise avec ma voix. De tout ce qui me constitue, si je ne devais n’emporter qu’un élément sur une île déserte, c’est elle que je choisirais. Oh, que l’on n’aille pas croire que je suis en train de me vanter ! Quelques années de pratique de la polyphonie corse m’ont rendu bien conscient de mes imperfections : cette tendance à prendre les chants un peu trop bas, cette respiration souvent mal maîtrisée, cette absence de sens du rythme…
Pourtant, d’une manière générale, ma voix ne m’est nullement désagréable. Je l’accepte. Je l’accueille d’autant plus aisément que je la sais sans autre corps que le mien pour dire le monde.
Mais c’est d’autres voix que je veux parler. De toutes les voix que j’aime et qui constituent le relief de mon paysage affectif. Des voix si proches que j’en connais tous les recoins. Des voix dont je perçois la délicieuse fragilité. Qu’elles parlent ou qu’elles chantent, ces voix-là m’enchantent et me parlent ! Certaines voix d’hommes, nasillardes ou tombales. D’autres, de femmes, hautes et si joliment mal placées ou bien encore, sombres, au contraire, et fleurant bon les fruits des bois.
Les voix de mes deux filles qui se confondent au téléphone mais partent dans des directions opposées dès lors qu’elles se mettent à chanter. La voix de mon fils dont la mue n’a pas effacé toute trace de l’enfance. La voix de sage de mon père. La voix passionnée de ma mère, emportée définitivement il y a un quart de siècle, à force de s’être emportée. La voix murmure de ma sœur. La belle et vulnérable voix de ma femme quand elle chante « Greensleeves » en s’accompagnant de sa guitare Ramirez…
… Des relents de voix normandes autour d’une table de ferme : festival d’accents bourvilesques…
… Quelques onomatopées bien frappées dans un désert des Agriates sonore : voix d’hommes dans mon village de Corse…
La voix rugueuse de Victor Jara (que j’écoute en ce moment-même) ou celle d’une Xanthoula Dakouvanou qui me bouleverse à chaque note. La voix si émouvante de Sophie sur le Diana di l’Alba. La voix de Xinarca, sortant le Tota pulchra es Maria de son invraisemblable corps-instrument. La voix des anges de Byzance évoluant sur ces trois syllabes -e-ri-rem- dans le prodigieux kratima du Théotokion du Psaume 44.
Les voix ne sont jamais aussi belles que lorsqu’elles se chantent, comme dans cette paghjella :
Il n’est déjà pas donné à tout le monde d’accepter de s’entendre, de pouvoir s’écouter sans sursauter ni tressaillir ; alors, parler de ce qui parle en soi !
Je me suis souvent demandé pourquoi, parmi ceux qui parviennent à dompter sans peine leur reflet, si peu pouvaient soutenir l’écho de leurs propres paroles. Aujourd’hui, me vient cette tentative d’explication : on peut se mentir à soi-même avec un peu de fard ou de vernis, avec une barbe bien fournie ou de belles bacchantes, mais bien malin qui réussira à se berner en jouant de ses cordes vocales !
Le plus difficile à masquer dans une voix, c’est la vérité du mensonge. Non pas de ce mensonge sous contrôle que je viens d’évoquer, mais du mensonge qui nous dépasse, qui se trouve secrété malgré nous parce que nous sommes incapables d’un tant soit peu de profondeur. Il ne s’agit pas ici de ce que l’on appelle communément « chanter faux » -au contraire, celui qui chante faux le fait sincèrement- mais plutôt de ce que Serge Wilfart, dans Le Chant de l’Etre, qualifie d’action de « chanter juste avec un instrument faux ». En effet, bien souvent, nos voix nous révèlent dans toute notre insuffisance, dans notre superficialité, notre « immaturité » aurait dit Gombrowicz. Nous n’allons pas chercher notre voix sous la surface, dans le tréfonds de notre propre corps. Nous ne faisons que singer. Nous jouons aux grands.
Curieusement, contrairement à la plupart, je n’éprouve pas de malaise avec ma voix. De tout ce qui me constitue, si je ne devais n’emporter qu’un élément sur une île déserte, c’est elle que je choisirais. Oh, que l’on n’aille pas croire que je suis en train de me vanter ! Quelques années de pratique de la polyphonie corse m’ont rendu bien conscient de mes imperfections : cette tendance à prendre les chants un peu trop bas, cette respiration souvent mal maîtrisée, cette absence de sens du rythme…
Pourtant, d’une manière générale, ma voix ne m’est nullement désagréable. Je l’accepte. Je l’accueille d’autant plus aisément que je la sais sans autre corps que le mien pour dire le monde.
Mais c’est d’autres voix que je veux parler. De toutes les voix que j’aime et qui constituent le relief de mon paysage affectif. Des voix si proches que j’en connais tous les recoins. Des voix dont je perçois la délicieuse fragilité. Qu’elles parlent ou qu’elles chantent, ces voix-là m’enchantent et me parlent ! Certaines voix d’hommes, nasillardes ou tombales. D’autres, de femmes, hautes et si joliment mal placées ou bien encore, sombres, au contraire, et fleurant bon les fruits des bois.
Les voix de mes deux filles qui se confondent au téléphone mais partent dans des directions opposées dès lors qu’elles se mettent à chanter. La voix de mon fils dont la mue n’a pas effacé toute trace de l’enfance. La voix de sage de mon père. La voix passionnée de ma mère, emportée définitivement il y a un quart de siècle, à force de s’être emportée. La voix murmure de ma sœur. La belle et vulnérable voix de ma femme quand elle chante « Greensleeves » en s’accompagnant de sa guitare Ramirez…
… Des relents de voix normandes autour d’une table de ferme : festival d’accents bourvilesques…
… Quelques onomatopées bien frappées dans un désert des Agriates sonore : voix d’hommes dans mon village de Corse…
La voix rugueuse de Victor Jara (que j’écoute en ce moment-même) ou celle d’une Xanthoula Dakouvanou qui me bouleverse à chaque note. La voix si émouvante de Sophie sur le Diana di l’Alba. La voix de Xinarca, sortant le Tota pulchra es Maria de son invraisemblable corps-instrument. La voix des anges de Byzance évoluant sur ces trois syllabes -e-ri-rem- dans le prodigieux kratima du Théotokion du Psaume 44.
Les voix ne sont jamais aussi belles que lorsqu’elles se chantent, comme dans cette paghjella :
Vuleria chì la mio voce Trapanessi ogni muntagna
Ch'ella cullessi in Niolu Ribumbà per la Balagna
Ch'ella franchessi lu mare é le fruntiere di Spagna
Je voudrais que ma voix traverse toutes les montagnes
Qu’elle monte dans le Niolu, trouve un écho en Balagne
Qu’elle franchisse la mer et les frontières de l’Espagne
Ch'ella cullessi in Niolu Ribumbà per la Balagna
Ch'ella franchessi lu mare é le fruntiere di Spagna
Je voudrais que ma voix traverse toutes les montagnes
Qu’elle monte dans le Niolu, trouve un écho en Balagne
Qu’elle franchisse la mer et les frontières de l’Espagne
Je voudrais que ma voix... Je voudrais que vos voix… Je voudrais que la vie ne soit que vivier de voix. Et la parole simple prétexte pour faire entendre ce qui la porte.
Étienne Orsini
Étienne Orsini
Comment dire ?
Julien Mellano, homme de scène(s) et bien plus encore, accepte le défi de l'échange et/ou de l'entretien longue durée (nous verrons bien) comme un myope qui aurait enlevé ses lunettes : on est où ici ?
Afin de lui tendre une perche, je lui ai proposé quelques photographies. Il en a choisi une, la prise et s'en est occupé. Notez bien que le personnage à jolie jupe jaune (ci-dessous) avait un voisin volatilisé depuis quelques lurettes dont on distingue encore la trace des souliers au sol.
Dans la lune ?
Parmi toutes nos rencontres, je conserve un souvenir (tenace) de Julien : nous sommes, il y a maintenant de cela presque 15 ans, sur un stade de football breton désert (c'est mieux pour tous les deux). Ce dernier lance des boomerangs qu'il a confectionnés avec ses doigts agiles.
Les voilà qu'ils reviennent...
Un croissant ?
J.M :
Je me demande pourquoi j'ai accepté de participer à ce carnaval. Moi qui croyais que ces fringues allaient faire l'affaire pour Blanche Neige et tout le monde me demande en quoi je suis déguisé. Carnaval, franchement, c'est le pire des trucs. On change de peau le temps d'une soirée, on fait des pieds-de-nez à la société, des bras-d'honneur au gouvernement, tout est permis ohé ohé, et quand on émerge de sa cuite on redevient un pauvre type comme les autres avec du rouge à lèvre autour. J'aurais dû réfléchir avant d'y aller. Un Schroumpf en sous-pull avec un bonnet rempli de coton, une poule avec des plumes en patchwork et des chaussettes du FC Nantes, une vache avec la moitié arrière qui trébuche, un type qui se croit drôle en uniforme SS, un Raymond Barre... Et y sont où tes nains ? Tu les caches sous ta jupe ? Blanche Neige avec du poil aux pattes, ça me faisait bien marrer au début, mais là j'avoue que c'était pas la meilleure idée. J'aurai du choisir l'homme invisible et resté chez moi.
Je me demande pourquoi j'ai accepté de participer à ce carnaval. Moi qui croyais que ces fringues allaient faire l'affaire pour Blanche Neige et tout le monde me demande en quoi je suis déguisé. Carnaval, franchement, c'est le pire des trucs. On change de peau le temps d'une soirée, on fait des pieds-de-nez à la société, des bras-d'honneur au gouvernement, tout est permis ohé ohé, et quand on émerge de sa cuite on redevient un pauvre type comme les autres avec du rouge à lèvre autour. J'aurais dû réfléchir avant d'y aller. Un Schroumpf en sous-pull avec un bonnet rempli de coton, une poule avec des plumes en patchwork et des chaussettes du FC Nantes, une vache avec la moitié arrière qui trébuche, un type qui se croit drôle en uniforme SS, un Raymond Barre... Et y sont où tes nains ? Tu les caches sous ta jupe ? Blanche Neige avec du poil aux pattes, ça me faisait bien marrer au début, mais là j'avoue que c'était pas la meilleure idée. J'aurai du choisir l'homme invisible et resté chez moi.
D.J :
Ce qui me reste en rétine, c'est ce qu'il n'y a pas tout à fait : l'homme invisible, à cette soirée, en manteau de peau. Se faire bien voir et repartir comme si tout allait bien. Attendre une occasion et une petite prime à la casse, un petit crime, une mauvaise passe, une autre peau. Êtes-vous certain, Monsieur, d'être revenu de cette soirée ?
Ce qui me reste en rétine, c'est ce qu'il n'y a pas tout à fait : l'homme invisible, à cette soirée, en manteau de peau. Se faire bien voir et repartir comme si tout allait bien. Attendre une occasion et une petite prime à la casse, un petit crime, une mauvaise passe, une autre peau. Êtes-vous certain, Monsieur, d'être revenu de cette soirée ?
J.M :
Ce qui est certain, c'est qu'on ne m'y reprendra plus. Se faire draguer par une blonde moustachue qui vous appelle « ma pomme » est une expérience dont je me serais bien passé. Hier, le prince charmant avait filé ses collants et le jus de fruit m'a donné la colique. Aujourd'hui, j'ai besoin d'être un autre homme, je passe une audition pour la distribution d'une pièce qui sera montée pendant l'été : La femme de mon mari.
Ce qui est certain, c'est qu'on ne m'y reprendra plus. Se faire draguer par une blonde moustachue qui vous appelle « ma pomme » est une expérience dont je me serais bien passé. Hier, le prince charmant avait filé ses collants et le jus de fruit m'a donné la colique. Aujourd'hui, j'ai besoin d'être un autre homme, je passe une audition pour la distribution d'une pièce qui sera montée pendant l'été : La femme de mon mari.
D.J :
Résumons : vous êtes donc revenu de cette soirée, mal en point, mais revenu.
J'ignore encore pourquoi et comment mais j'ai un doute. "La femme de mon mari" me fait loucher. J'ai trop attendu sous les porches, à l'occasion de filatures minables, pour me satisfaire de cette réponse : comme un plan B dans la poche, juste à côté du nœud dans un mouchoir en papier. Que vous ayez été malade la veille passe encore - je vous ai déjà vu sur le fil - mais cette audition tombe plutôt du ciel et tout pile, de surcroît. Tous ces velus, c'est comme votre seul en poils du temps et ces collants, comme un jeu de gens beaux.
D'abord un carnaval, pour vous défiler, maintenant un "autre homme", au sens figuré... Là, j'avoue, ma platine patine. J'ai pas la petite musique. Par contre, la blonde moustachue à la "pomme", je l'ai croisée, c'est pas du flan, encore moins du déguisement. Je vous l'accorde (au cou), elle est plutôt gênante.
J.M :
Encore en vies...
Elles sont plusieurs à se battre dans la même piscine, ça fait de l'écume et je ne vois plus le fond.
Je garde la tête hors de l'eau, un pince-nez, les yeux brouillés, les oreilles bouchées...
A moi tout seul, je fais les trois singes et je crawle sous les projets.
D.J :
Comment s'entoure-t-on ?
Comment le silence fait qu'il n'en est rien ? On bouge en corps.
Nous croyons l'autre mort et l'on grimpe au colimaçon de la tour ; de poitrine et d'échine, le temps s'alimente.
Pour quel rhésus, la voyelle au bas mot va tomber, pour la frange ?
Recommence en ton tour.
Encore en vies...
Elles sont plusieurs à se battre dans la même piscine, ça fait de l'écume et je ne vois plus le fond.
Je garde la tête hors de l'eau, un pince-nez, les yeux brouillés, les oreilles bouchées...
A moi tout seul, je fais les trois singes et je crawle sous les projets.
D.J :
Comment s'entoure-t-on ?
Comment le silence fait qu'il n'en est rien ? On bouge en corps.
Nous croyons l'autre mort et l'on grimpe au colimaçon de la tour ; de poitrine et d'échine, le temps s'alimente.
Pour quel rhésus, la voyelle au bas mot va tomber, pour la frange ?
Recommence en ton tour.